La cessation de l’activité professionnelle ne met pas automatiquement fin aux effets de la déclaration notariée d’insaisissabilité

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La déclaration d’insaisissabilité est l’acte notarié qui permet à toute personne physique qui exerce une activité indépendante, de déclarer comme étant insaisissables les droits qu’il détient sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale, empêchant toute saisie par les créanciers de l’entreprise.

La question peut se poser quant à la durée de la protection accordée à l’entrepreneur par cette déclaration, notamment en cas de cession d’activité et dont l’ouverture d’une procédure collective et postérieure à cette cessation.

La Cour de cassation concernant cette question, a récemment rendu l’attendu suivant :

« Selon l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015 applicable en la cause, la déclaration notariée d’insaisissabilité que peut faire publier la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration ».

Dans l’affaire en question, un entrepreneur individuel a en 2013, par l’établissement d’un acte notarié d’insaisissabilité, déclaré insaisissables les droits qu’il détient sur sa résidence commune en biens avec son épouse.

Ce même entrepreneur publie en 2015 la cessation de son activité professionnelle au répertoire des métiers et se déclare en cessation de paiements.

Est ouverte une procédure de liquidation judiciaire dans laquelle l’entrepreneur oppose au liquidateur la déclaration d’insaisissabilité, liquidateur qui remet en cause ce document et l’assigne en inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité, estimant que la radiation au répertoire des métiers entraînant la perte de la qualité d’exploitant professionnel, avait pour conséquence de faire cesser les effets de l’acte notarié.

Le liquidateur appuie ses prétentions sur le fondement de l’article L 526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure et applicable aux faits de l’espèce, lequel prévoyait « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale », faisant comme condition d’opposabilité de la déclaration d’insaisissabilité, celle de l’immatriculation du professionnel.

La Cour d’appel juge pourtant la déclaration notariée d’insaisissabilité opposable au liquidateur, au motif qu’étant donné qu’une procédure collective a été régulièrement ouverte au bénéfice de l’exploitant, la déclaration d’insaisissabilité du bien litigieux est opposable au liquidateur judiciaire, et ce indépendamment du fait qu’il ait pu déposer le bilan et avoir radié son activité, avant l’ouverture de la procédure collective.

Le litige est porté devant la Cour de cassation, laquelle rejette le pourvoi et rend la décision citée textuellement en début d’étude.

La Haute juridiction consacre le caractère protecteur de la déclaration d’insaisissabilité, excluant comme condition d’opposabilité de cette déclaration, l’impérativité que le professionnel ait conservé actif son statut professionnel.  Les effets de la déclaration d’insaisissabilité courent pour les créanciers dont les droits naissent après sa publication et à l’occasion de l’activité professionnelle, et subsistent tant que ces droits ne sont pas éteints. Seule la renonciation du déclarant peut y mettre fin, et non la cessation de son activité.

Laurent MASCARAS – Rémy CERESIANI

Avocats associés

Référence de l’arrêt : Cass. com 17 novembre 2021 n°20-20.821