Responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l’exercice des pouvoirs délégués

You are currently viewing Responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l’exercice des pouvoirs délégués

L’étendue de la responsabilité des acteurs économiques au regard des fautes de gestion commises, plus particulièrement de leur responsabilité pour insuffisance d’actif, thématique que nous évoquons régulièrement au travers de nos différentes analyses, vient d’être à nouveau précisée par la Cour de cassation saisie le 5 mai dernier.

L’exposé des faits et de la procédure est celui qui suit :

Quatre sociétés appartenant à un groupe sont placées en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire où le liquidateur chargé de la procédure assigne alors deux directeurs généraux délégués, en leur qualité de dirigeant de droit, en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Condamné à payer une somme supérieure à plus d’un million d’euros par la Cour d’appel saisie des griefs, un des dirigeants se pourvoi en cassation soulevant l’argument selon lequel : « le directeur général délégué, dont les pouvoirs, leur étendue et leur durée sont déterminés par le conseil d’administration, en accord avec le directeur général, exerce une fonction d’auxiliaire de ce dernier auquel il est subordonné et n’a donc pas qualité de dirigeant de droit ».

Rappelons que la qualité de dirigeant de droit et sa responsabilité concernant l’insuffisance d’actif, est une notion abordée par l’article L 651-2 du Code de commerce « Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ».

La Cour de cassation confirme partiellement le raisonnement de la Cour d’appel, en validant le fait qu’un directeur général délégué exerçant une fonction auxiliaire du directeur général, auquel il est subordonné, est un dirigeant de droit, engageant donc sa responsabilité concernant les fautes de gestion commises dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués.
Décision prise sur le fondement des articles L 225-53 et L 225-56 II du Code de commerce.
Le premier de ces textes dispose qu’il est possible pour le conseil d’administration, sur proposition du directeur général, de nommer une ou plusieurs personnes physiques chargées d’assister le directeur général, avec le titre de directeur général délégué.
Le second apporte pour précision qu’en accord avec le directeur général, le conseil d’administration détermine l’étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués, et que ces derniers disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général.

C’est sur l’insuffisance d’actif que la Haute juridiction censure l’arrêt de la Cour d’appel, qui au jour où elle a statué n’a pas précisé le montant de l’insuffisance d’actif, privant ainsi sa décision de base légale, car pour la chambre commerciale, et au visa de l’article 651-2 du Code de commerce : « La condamnation d’un dirigeant sur le fondement du texte susvisé est subordonnée à l’existence d’une insuffisance d’actif certaine, laquelle détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d’être prononcée ».

Ce n’est pourtant que retarder une décision inévitable, puisque renvoyé devant la Cour d’appel, le demandeur dont la qualité de dirigeant de droit n’est pas remise en question, verra simplement la juridiction de second degré donner avec précision le montant de l’insuffisance d’actif, permettant de le déclarer responsable.

Référence de l’arrêt : Cass. com 5 mai 2021 n°19-23.575